Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Réunion du lundi 29 avril 2024 à 17h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à dix-sept heures trente-cinq.

Présidence de M. Sacha Houlié, président.

La Commission auditionne M. Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur et des Outre-mer, sur le projet de loi constitutionnelle, adopté par le Sénat, portant modification du corps électoral pour les élections au congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie (N° 2424) (M. Nicolas Metzdorf, rapporteur).

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Monsieur le ministre de l'Intérieur, nous vous avons déjà entendu sur le projet de loi organique portant report du renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie, mais il me semblait indispensable de vous recevoir pour évoquer le présent projet de loi constitutionnelle, dont nous examinerons les articles la semaine prochaine. Je rappelle que notre règlement interdit aux membres du Gouvernement de participer à la discussion des articles et des amendements sur les projets de loi constitutionnelle.

Le Sénat a apporté plusieurs modifications à ce projet. Elles concernent notamment les modalités de mise en œuvre d'un éventuel accord entre les parties grâce à une procédure dérogatoire, ainsi que les modalités d'articulation entre entrée en vigueur de la loi et obtention de l'accord. Les mesures d'application devraient en outre être adoptées par le Parlement, au contraire de ce qu'avait initialement prévu le Gouvernement.

Ce texte vous convient-il ? En préconisez-vous une adoption conforme ?

Quel sera le rôle des présidents des deux chambres parlementaires dans la constatation d'un éventuel accord ?

Quelles sont par ailleurs les incidences de la crise du nickel sur le processus politique ?

Enfin, nous avons beaucoup travaillé sur la question des ingérences étrangères. L'Azerbaïdjan a invité de nombreux élus ultramarins et des agents de ce pays sont présents dans notre pays, notamment en Nouvelle-Calédonie. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?

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Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur et des Outre-mer

Merci de me donner l'occasion de débattre à nouveau avec vous de la Nouvelle-Calédonie, après mon audition au sujet du projet de loi organique portant report du renouvellement général des membres du Congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie – adopté par le Sénat puis par l'Assemblée nationale – et mon audition, le 9 avril dernier, par le groupe de contact organisé par la présidente de l'Assemblée nationale.

Ce projet de loi constitutionnelle modifie la composition du corps électoral pour les seules élections provinciales – vous savez qu'il existe trois listes électorales en Nouvelle-Calédonie. Le Gouvernement souhaite un vote conforme. Le texte du Sénat ne nous satisfait pas totalement, mais il est conforme à l'esprit du texte initial comme à la volonté calédonienne et son adoption rapide nous laissera le temps nécessaire pour discuter avec toutes les parties prenantes tout en tenant l'engagement d'organiser les élections avant le 15 décembre 2024.

Le texte prévoit l'intervention des présidents des deux assemblées. Le Gouvernement ne voit rien à y redire : le Parlement – en tout cas, le Sénat – le souhaite, ces autorités morales et politiques sont évidemment les bienvenues dans le processus, et la présidente Braun-Pivet comme le président Larcher s'intéressent aux questions calédoniennes depuis leur entrée en fonctions. Je ne vois aucun inconvénient à ce qu'ils jouent un rôle de médiation ou d'aide ‒ même si c'est bien le Gouvernement qui défend le projet de loi constitutionnelle devant le Parlement.

Le projet de loi organique prévoyant le report des élections provinciales a été voté au Sénat puis à l'Assemblée, alors que nous n'avons qu'une majorité relative à l'Assemblée et que nous sommes très minoritaires au Sénat. Nous avons donc convaincu une grande partie des députés comme des sénateurs ; c'était une prouesse. Le projet de loi constitutionnelle a également été adopté par le Sénat, comme cela a été dit.

Veut-on que la démocratie locale s'exprime en Nouvelle-Calédonie, que les Calédoniens nés de parents calédoniens puissent voter ? Voilà la question qui nous est posée.

Dix années de présence sur le territoire demeureront nécessaires pour voter à des élections locales, conformément à ce qui avait été imaginé par Lionel Jospin dans l'accord de Nouméa – condition modifiée par la suite par le président Chirac pour des raisons politiques qui n'avaient pas grand-chose à voir avec la Nouvelle-Calédonie, mais qui tenaient plutôt au rapport de forces qu'il entretenait avec son ministre de l'Intérieur de l'époque.

Dominique de Villepin avait dit à la tribune du Congrès, à Versailles, que le gel du corps électoral pour les élections provinciales ne valait que pour les deux élections provinciales à venir ; nous arrivons à la troisième. Le corps électoral des élections provinciales en Nouvelle-Calédonie restera restreint, de façon exceptionnelle par rapport au reste du territoire national mais aussi par rapport aux autres démocraties – je n'en connais pas où des citoyens d'un pays doivent attendre dix ans pour voter à une élection locale. J'ai aussi l'honneur de défendre ce dossier devant les Nations unies, et le C-24 – le Comité spécial de la décolonisation – nous a adressé un satisfecit à ce sujet.

Le Gouvernement n'ignore pas les manifestations organisées ces dernières semaines ; la participation a été très impressionnante : plusieurs dizaines de milliers de personnes pour chacune des parties, près de 10 % du corps électoral calédonien. Je remercie le haut-commissaire, les gendarmes et les policiers qui ont permis que ces manifestations se déroulent dans deux rues séparées de Nouméa et qu'il n'y ait pas d'affrontement. Le dossier peut paraître bien épineux depuis la métropole, et certains pourraient se demander s'il est vraiment utile de convoquer les parlementaires à Versailles pour un changement de corps électoral en Nouvelle-Calédonie ; sur place, on le voit, le sujet est crucial et nous devons tous prendre nos responsabilités.

Mais nous souhaitons surtout donner la priorité à la vie des Calédoniens. Vous avez cité la question économique. Les réserves de nickel, principale richesse de ce magnifique territoire, sont très importantes, mais le secteur est en grande difficulté ; les trois usines fonctionnent difficilement, voire plus du tout. Or le modèle économique et social de l'archipel est fondé sur le nickel : plus de la moitié des emplois, directs et indirects, en dépendent. Et comme le gouvernement est autonome, les systèmes sociaux, sanitaires et économiques en dépendent également. Le Gouvernement de la République française n'a pas de compétence en la matière, mais il verse énormément d'argent depuis longtemps pour soutenir les salaires, les entreprises, notamment les mines, et les collectivités locales.

Je salue le travail de Bruno Le Maire et des présidents des différentes collectivités, notamment le président Mapou et la présidente Backès, pour arriver à un accord sur la filière du nickel. Faut-il fermer une usine, transformer le modèle économique, changer la doctrine du nickel et choisir d'exporter sans transformer sur place ? Des décisions difficiles devront être prises, en lien avec l'État, et pour cela, le Congrès de Nouvelle-Calédonie comme les gouvernements des provinces doivent trouver une nouvelle légitimité grâce à un renouvellement démocratique, donc à de nouvelles élections.

Or chacun constate que le corps électoral gelé n'est plus conforme aux principes de la démocratie. Le Conseil d'État nous a lui-même fortement suggéré qu'un décret de convocation d'un corps électoral non modifié serait probablement attaqué, et les élections annulées. Nous serions alors obligés de revenir vers le Parlement. Plutôt que de jouer cette mauvaise comédie, nous avons préféré prendre nos responsabilités.

Voilà trois ans que nous discutons avec les indépendantistes comme avec les non-indépendantistes pour trouver un accord que nous qualifions de global sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. Faut-il réformer ces institutions ? Après tout, cinq organes pour un archipel de 300 000 habitants, c'est peut-être excessif. Personne ne disconviendra, je pense, que trois codes de l'environnement, un pour chaque province, ce n'est pas très efficace à l'heure du réchauffement climatique. Mais personne ne s'accorde non plus sur une construction institutionnelle idéale. Faut-il prévoir une autodétermination dans le futur – ni demain, ni après-demain – qui serait conforme aux engagements internationaux de la France mais aussi à nos principes constitutionnels, lesquels prévoient évidemment le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes ? Le Gouvernement y est favorable ; encore faut-il en déterminer les modalités concrètes. La question de la représentativité du corps électoral est là aussi centrale.

Aucune des discussions n'a abouti à un accord global. Le Gouvernement prend donc, comme il l'avait annoncé, ses responsabilités sur la seule question du corps électoral restreint des élections provinciales, la plus urgente puisque les élections devaient se tenir au mois de mai de cette année.

Vous évoquez enfin la question des ingérences étrangères. Il y a en Nouvelle-Calédonie une sorte de tradition en la matière.

Longtemps, la Nouvelle-Zélande et l'Australie ont entretenu avec les courants indépendantistes un lien particulier ; c'est beaucoup moins vrai, voire plus du tout. Je peux témoigner du fait que mes homologues australiens, que j'essaye de rencontrer chaque fois que je me rends en Nouvelle-Calédonie – sept fois ces deux dernières années –, sont très heureux de la présence française dans le Pacifique, souhaitent des partenariats avec nous et se réjouissent de la diplomatie indo-pacifique dessinée par le Président de la République.

Il existe aussi une ingérence asiatique, notamment chinoise, en particulier en matière économique – je pense au nickel, mais aussi à la pêche ou aux câbles sous-marins en Polynésie française.

Nous avons enfin découvert il y a quelques mois une ingérence nouvelle, celle de l'Azerbaïdjan, que l'on pourrait qualifier d'opportuniste – quel est, en effet, l'intérêt de ce pays à être présent dans la zone du Pacifique Sud ? Le lien que l'Azerbaïdjan entretient avec quelques courants indépendantistes, voire avec quelques personnes, ne paraît pas conforme à un idéal politique mais plutôt numéraire. Sur ces liens de toute sorte, la délégation parlementaire au renseignement peut sans doute demander des précisions.

L'Azerbaïdjan, on le voit bien, utilise le dossier calédonien non pas pour le bien de telle ou telle population ou pour soutenir tel ou tel principe démocratique – encore faudrait-il que ce pays en ait, ce qui n'est pas flagrant –, mais pour répondre à la défense des Arméniens par la France. Cette défense est, je crois, tout à notre honneur et l'utilisation de ce dossier par l'Azerbaïdjan nous choque profondément. C'est un cas d'école d'une ingérence telle que la définit votre proposition de loi en cours d'examen au Parlement, monsieur le président.

Il faut dénoncer ces ingérences. La direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) les contrôle, sous mon autorité, comme la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) sous celle du ministre des armées. J'ai demandé au haut-commissaire de se saisir de ce sujet. Je sais aussi qu'il y a des débats à ce propos au sein du Congrès de Nouvelle-Calédonie.

La signature de prétendus protocoles politiques entre une partie du courant indépendantiste et la dictature azerbaïdjanaise n'est évidemment pas possible politiquement ni acceptable moralement. Elle nous amène surtout à nous interroger sur la volonté profonde de certains groupes qui semblent voir en l'Azerbaïdjan un modèle politique : ce n'est pas l'avenir que nous souhaitons pour la Nouvelle-Calédonie, et je suis sûr que personne ici ne dira le contraire. Cette ingérence étrangère caractérisée est extrêmement néfaste et nous regrettons que des hommes et femmes politiques français, d'une partie du courant indépendantiste, voient dans l'Azerbaïdjan une planche de salut.

Je redis que le Gouvernement est à la disposition de tous les acteurs calédoniens pour continuer les discussions. Je redis également que le corps électoral demeure restreint pour les élections provinciales, même modifié. Le Gouvernement ne souhaite pas décaler à nouveau ces élections, mais, en cas d'accord sérieux, nous avons la possibilité de les reporter encore jusqu'en novembre 2025. Notre main est toujours tendue pour une discussion trilatérale, à Paris ou à Nouméa. Si cet accord devait se dessiner, pour le bien de la Nouvelle-Calédonie et des Calédoniens, le Gouvernement le reprendrait, à la demande du Président de la République. Mais la procrastination ne fait pas une bonne politique. Les Calédoniens attendent, comme tous les Français et comme tous ceux qui vivent en démocratie, de voter pour les élections locales qui détermineront des questions économiques et sociales cruciales, comme l'aide sociale à l'enfance ou les régulations de l'urbanisme et de l'économie.

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Je commence par présenter mes excuses à mes collègues : le rapport n'est pas encore disponible, car je mène encore des auditions en métropole, après de nombreuses autres en Nouvelle-Calédonie. Il le sera la semaine prochaine.

Un peu d'histoire : les accords de Matignon prévoyaient un référendum sur l'indépendance en 1998. Mais les deux grands mouvements politiques de l'époque, le RPCR –Rassemblement pour la Calédonie dans la République – et le FLNKS – Front de libération nationale kanak et socialiste –, ont estimé qu'il était bien trop tôt, après les événements de 1988, pour refaire un référendum sans raviver les tensions. Il a donc été décidé de trouver un accord plus global, un accord de décolonisation. C'est l'accord de Nouméa, qui reconnaît les ombres de la colonisation, et ses lumières, bien évidemment ; il met en avant les dégâts qu'elle a provoqués pour le peuple kanak. C'est aussi un accord de décolonisation au sens où il prévoit d'importants transferts de compétences, faisant de la Calédonie le territoire le plus autonome de la République. Le corps électoral était restreint, puisqu'il fallait dix ans de présence sur le territoire pour voter aux élections provinciales et aux référendums, même si les deux listes électorales étaient différentes.

Cette étape constructive devait mener à trois référendums. À cette époque, personne ne pensait que nous serions capables d'organiser ces trois consultations : tout le monde pensait que ce serait dangereux.

En 2007, de manière unilatérale, sans consensus ni accord global, le président Chirac, en lien avec le président de la province Nord Paul Néaoutyne, a décidé un nouveau gel du corps électoral : il ne fallait plus dix années de présence, mais être arrivé avant novembre 1998. Tous les Français arrivés après cette date, de métropole ou des outre-mer, ne pourraient jamais voter ni aux élections provinciales, ni aux référendums. À l'époque, 7 % de l'électorat était concerné ; c'est un électeur sur cinq aujourd'hui.

Je suis un fervent opposant à ce gel électoral, mais il faut lui reconnaître un avantage : il a légitimé le résultat des référendums, remportés tous les trois par les non-indépendantistes. Je rappelle qu'il suffisait que les Calédoniens votent oui à un seul référendum pour que l'indépendance soit proclamée, mais que l'accord de Nouméa prévoyait que si les trois référendums étaient négatifs, on « [examinerait] la situation ainsi créée ».

Nous y sommes. Gérald Darmanin est venu sept fois en Nouvelle-Calédonie, il y a mené des dizaines de réunions avec les indépendantistes comme avec les non-indépendantistes, il a missionné un préfet chargé uniquement des négociations. Les trois partenaires de l'accord de Nouméa – le Gouvernement, les indépendantistes et les non-indépendantistes – ont passé des centaines d'heures à discuter.

Nous étions proches d'un accord, après être allés très loin dans les négociations. Nous pensions pouvoir conclure un accord global. Je rappelle que les indépendantistes, notamment les plus modérés, ceux de l'UNI-Palika – Union nationale pour l'indépendance-Parti de libération kanak –, avaient déclaré publiquement qu'un retour à l'équilibre de 1998, c'est-à-dire dix ans de présence sur le territoire pour voter, était acceptable. Malheureusement, les indépendantistes les plus durs, les plus radicalisés – j'ose le mot –, ont prévalu au sein du FLNKS, et toutes les avancées que nous avions obtenues ont été remises en cause.

Les élections provinciales étaient prévues en mai, et le corps électoral doit être dégelé, pour les raisons juridiques qu'a rappelées le ministre.

L'article 1er du projet de loi constitutionnelle porte sur le temps de présence nécessaire pour voter. Les non-indépendantistes avaient proposé une période de trois ans glissants, considérant que, puisque nous avons voté trois fois non à l'indépendance, nous étions des Français quasiment comme les autres. M. le ministre, qui avait dans un premier temps coupé la poire en deux en proposant une durée de sept ans de présence sur le territoire, s'est finalement rangé à la proposition des indépendantistes.

Il a aussi accepté la demande des indépendantistes de privilégier un accord global : c'est l'article 2. J'ai l'impression de vivre en métropole ce que nous vivons en Nouvelle-Calédonie : un débat très binaire, qui oppose dégel du corps électoral à un accord global. Mais l'article 2 est magnifique du point de vue juridique, puisqu'il met au-dessus de la loi organique et de la Constitution un accord obtenu en Nouvelle-Calédonie : la loi constitutionnelle devient caduque si les Calédoniens trouvent un accord global jusqu'à dix jours avant les élections provinciales.

Le Gouvernement, représenté par M. Darmanin, a tout fait et continue de tout faire pour que les Calédoniens trouvent un accord global sur un projet d'avenir. Le projet de loi constitutionnelle garantit seulement que si les élections provinciales devaient se tenir sans accord politique, elles auraient lieu avec un corps électoral dégelé, ce que tant la Cour européenne des droits de l'homme que le Conseil d'État ont estimé nécessaire.

Le projet de loi constitutionnelle est très équilibré, peut-être trop, vous diront les non-indépendantistes – je ne le dirai pas, puisque j'en suis le rapporteur. Il devrait faire l'unanimité dans la classe politique, puisqu'il résout le problème juridique tout en permettant un accord jusqu'au bout ; les élections ont déjà été décalées de six mois, mais elles pourraient l'être jusqu'en novembre 2025. L'esprit de recherche du consensus est donc préservé.

Les Calédoniens attendent ces élections depuis longtemps ; ils attendent surtout une traduction concrète de leur vote aux référendums, dont le troisième s'est tenu en 2021. La Calédonie traverse une grave crise économique, liée à l'incertitude institutionnelle comme à la crise du nickel. Nous vivons un déficit migratoire sans précédent : nous perdons 4 000 à 5 000 habitants par an depuis cinq ans, ce qui met nos finances au plus mal. Nous sommes bien loin d'un repeuplement du territoire.

Il faut donc redonner des perspectives aux Calédoniens ; le projet de loi constitutionnelle va dans ce sens.

En ce qui concerne les ingérences étrangères, je rappellerai aussi que l'Union calédonienne, qui n'est pas le parti indépendantiste le plus constructif, a annoncé qu'une délégation se rendrait au Venezuela pour aller y chercher du soutien. On voit que les pays qui soutiennent les indépendantistes les plus radicalisés ne sont pas des modèles de démocratie. Or la plupart des Calédoniens, qu'ils soient indépendantistes ou non, veulent vivre dans une république démocratique.

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Nous abordons un sujet essentiel pour notre histoire comme pour le sens que nous donnons à l'unité du peuple français. Je tiens à féliciter le rapporteur, qui a entendu avec la plus grande impartialité des personnalités calédoniennes indépendantistes comme non indépendantistes. Son travail éclairera au mieux celui de la commission.

Il n'a jamais été question d'exercer par ce texte une quelconque pression sur les parties prenantes en vue d'un accord institutionnel global. L'enjeu est tout autre. Seul un accord entre les partenaires locaux et l'État ouvrira la voie à une solution pérenne ; de ce point de vue, l'article 2 du projet de loi, laissant la porte ouverte au consensus, est fondamental.

L'équilibre historique trouvé lors des accords de Matignon-Oudinot puis de l'accord de Nouméa a mis fin à de graves troubles. Ces accords sont fondés sur le dialogue et sur la considération de l'autre, dans une parfaite égalité qui ne minore l'histoire ou la culture d'aucune des parties : c'est cette harmonie d'un peuple que nous devons appeler de nos vœux.

Il faut distinguer la passion de femmes et d'hommes qui ont su trouver cet équilibre de l'égalité devant le suffrage que nous devons aujourd'hui assurer. Ces passions sont celles d'indépendantistes ou de non-indépendantistes, et tout simplement celles de Français attachés à une identité, à un territoire, à un cadre de vie. C'est ce qui fait la force de la Nouvelle-Calédonie. Mais les équilibres d'aujourd'hui ne sont plus ceux d'hier. Près d'un cinquième du corps électoral de Nouvelle-Calédonie est aujourd'hui privé de s'exprimer lors des élections provinciales. Certains me diront qu'il s'agit d'un héritage du passé qu'il convient de préserver ; mais pourquoi ? L'histoire évolue, et nous avec. Ces Français peuvent d'autant moins continuer d'être exclus que les compétences des provinces sont extrêmement larges. Cette réforme permettra l'inscription sur les listes électorales de plus de 20 000 personnes.

Le conservatisme nous amènerait à renier une part de ce que nous appelons la démocratie. Il ne s'agit pas d'ouvrir le corps électoral calédonien aux quatre vents, mais d'y intégrer les Français qui résident sur ce territoire depuis plus de dix ans ! Cette durée est de surcroît déjà un compromis important de la part des loyalistes, qui demandaient initialement une durée de trois ans.

Il faut aussi écarter tout manichéisme : l'ensemble des Calédoniens se réclamant des Kanaks ne sont pas automatiquement indépendantistes, comme ceux que l'on appelle des Caldoches ne sont pas tous des loyalistes.

Les travaux du Sénat ont abouti à une rédaction équilibrée, qui permettra à cette réforme de se faire dans de bonnes conditions pour l'ensemble des parties prenantes à l'accord global sur l'accord institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. Le groupe Renaissance soutiendra ce texte.

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Les règles déterminant le corps électoral restreint chargé d'élire les représentants aux assemblées de province et au Congrès de la Nouvelle-Calédonie, fixées par l'accord de Nouméa du 5 mai 1998, sont devenues inadaptées du fait des évolutions démographiques intervenues depuis. Ce corps comprend les personnes installées en Nouvelle-Calédonie en 1998 et justifiant de dix années de résidence, ainsi que leurs enfants, mais pas leurs autres descendants ni leur conjoint. Initialement prévu pour être glissant, ce corps électoral a été gelé par la révision constitutionnelle du 23 février 2007. Les personnes installées en Nouvelle-Calédonie après 1998 en sont donc exclues.

Ce corps électoral restreint est menacé d'extinction. Le nombre d'électeurs inscrits sur les listes générales, mais privés de droit de vote aux élections des assemblées de province et du Congrès, est ainsi passé de 8 000 en 1999, soit 7,5 % du corps électoral général, à 42 500 en 2023, soit un électeur sur cinq. Un dégel est plus que nécessaire avant les prochaines élections territoriales et provinciales, dans l'attente d'un accord politique régissant l'avenir de la Nouvelle-Calédonie.

Le nouveau corps électoral restreint doit comprendre les natifs du territoire et les autres résidents français justifiant d'une durée de séjour suffisante pour manifester leur attachement à la Nouvelle-Calédonie. Un nouveau statut doit fixer des conditions d'accès satisfaisantes à la citoyenneté locale. Dans cette attente, le présent projet de loi constitutionnelle doit être adopté : telle est la position que défendront les députés du groupe Rassemblement national, afin que des citoyens français puissent exercer un des droits les plus fondamentaux, celui de voter.

La question du statut de la Nouvelle-Calédonie demeure néanmoins ; nous n'avons qu'une confiance mesurée dans la capacité du Gouvernement à la résoudre. La Nouvelle-Calédonie est française depuis 1853 et les Calédoniens ont exprimé leur volonté qu'elle le reste à cinq reprises, en 1958, 1987, 2018, 2020 et 2021. Même si le cycle des référendums d'autodétermination est désormais clos – et doit le rester pour plusieurs dizaines d'années –, la Nouvelle-Calédonie doit désormais se consacrer à son développement économique et social.

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Dans le débat qui nous occupe, deux principes d'égale valeur s'affrontent : d'une part, le droit universel de participer au suffrage – à cet égard, le gel électoral issu des accords de Matignon-Oudinot et de Nouméa ne saurait perdurer, puisqu'il exclut des élections locales près de 20 % des personnes pouvant voter à l'élection présidentielle ; d'autre part, le droit des Néo-Calédoniens de mener à son terme le processus d'autodétermination enclenché en 1988 et confirmé en 1998.

Comment concilier ces deux principes ? Aucun consensus ne se dégage en Nouvelle-Calédonie. Si le référendum de 2021 respectait le formalisme légal, ses conditions d'organisation ont suscité des crispations et heurté une partie de la population locale, mettant en péril le cadre de discussion apaisé bâti depuis des décennies. Certains choix, notamment de calendrier, ont fait douter de l'impartialité de l'État et de sa volonté d'apaiser les tensions.

Pour la première fois dans l'histoire récente de la Nouvelle-Calédonie, une réforme constitutionnelle est susceptible d'être adoptée sans accord local préalable. Cela ne peut que susciter des troubles, attisés de surcroît par des ingérences étrangères inacceptables, en particulier de la part de l'Azerbaïdjan.

Notre boussole doit être l'esprit des accords de Matignon et de Nouméa, qui ont permis aux populations locales de discuter de leur avenir dans un cadre apaisé, sans pression abusive, avec un État impartial veillant à éviter les impasses. Il faut donc absolument rétablir le dialogue, malgré les difficultés et les réticences. Un nombre croissant de voix s'élèvent à Paris, au-delà de notre famille politique, pour demander la création d'une mission impartiale destinée à faciliter les négociations entre les parties afin d'aboutir à un accord global, indissociable du projet de loi constitutionnelle. Nous devons adopter une méthode apte à conjurer les tensions grandissantes – les dernières manifestations ont révélé combien le clivage était important au sein de la société néo-calédonienne. La méthode ne saurait consister à faire passer un projet de loi constitutionnelle à tout prix. Nous ne soutiendrons donc pas le texte.

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Mon groupe est attaché à l'appartenance de la Nouvelle-Calédonie à la France, confirmée par les référendums de 2018, 2020 et 2021.

Nous sommes arrivés au terme du processus issu des accords de Matignon et de Nouméa, qui visait à reconnaître les ombres et les lumières de l'histoire pour forger, enfin, un destin commun. Après de trop nombreux drames, il fallait « faire la paix », pour reprendre les mots de Michel Rocard, et aller de l'avant.

Si le processus prend fin, la méthode qui l'a guidé, elle, doit perdurer : la recherche permanente du consensus. Cette marque de fabrique, bâtie vaille que vaille, a toujours appartenu aux acteurs locaux. Le Parlement s'est contenté d'y jouer un rôle limité, celui de greffier des équilibres fragiles trouvés localement, même lorsque les accords avaient des conséquences pour l'ensemble de la nation. L'avenir de la Nouvelle-Calédonie appartient d'abord aux habitants de ce territoire et dépendra des accords qu'ils concluront entre eux.

Trois référendums ont certes confirmé le maintien de la Nouvelle-Calédonie au sein de la République, mais aucun accord ne saurait exclure une communauté ou une autre. Égalité, vivre-ensemble, destin commun : quelles que soient les solutions juridiques retenues, ces principes sont plus que jamais d'actualité.

Les inquiétudes sont nombreuses. L'industrie du nickel est en grande difficulté. Elle fut longtemps la pierre angulaire de l'économie de l'île, mais a aussi suscité des fantasmes ; or la dure réalité se rappelle à nous. La démographie de l'île ne cesse par ailleurs de chuter, démentant les craintes, entretenues par certains, d'un peuplement exogène massif. Il faut y voir l'expression des inquiétudes d'une population qui se cherche.

Pour en revenir au projet de loi constitutionnelle, il n'est pas acceptable que près d'un électeur sur cinq soit exclu du vote aux élections provinciales et au Congrès. Les principes constitutionnels d'égalité et d'universalité du suffrage doivent s'imposer face à un régime dérogatoire qui devient de plus en plus attentatoire. Il est inenvisageable d'organiser de nouvelles élections provinciales sans dégel du corps électoral – le Conseil d'État ne dit pas autre chose. Fallait-il pour autant, comme le fait le projet de loi, décorréler ce sujet d'un accord plus large ? L'idéal aurait été que les parties concluent localement un accord, mais, malgré certains signaux faibles de part et d'autre, celui-ci se fait attendre. Les tensions sont exacerbées : le 13 avril, quelque 40 000 personnes ont défilé en deux cortèges opposés. C'est phénoménal ! À cela s'ajoutent des ingérences étrangères : après la Chine, l'Azerbaïdjan s'invite au grand jour, par opportunisme, ajoutant de la confusion et de l'instabilité à une situation déjà suffisamment tendue.

Qu'en conclure ? Un processus est enclenché et doit être mené à son terme. À l'Assemblée nationale comme au Congrès, les élus du groupe Les Républicains voteront donc en faveur du projet de loi constitutionnelle. Nous formons néanmoins le souhait qu'un accord soit conclu sur place ; il pourrait être facilité par la création d'une mission impartiale à laquelle l'Assemblée et le Sénat seraient associés. Accompagnons ce destin commun pour renouer avec la croissance économique et démographique, pour assurer le développement et l'avenir du territoire, mais aussi, et avant tout, pour restaurer la confiance en soi et en les autres.

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Les Calédoniens ont besoin de sérénité et de stabilité, non seulement pour apaiser les tensions entre leurs différentes sensibilités, mais aussi pour assurer la prospérité d'une île qui affronte des difficultés économiques préoccupantes, notamment du fait de la crise du nickel.

Pour une très grande majorité des indépendantistes, le gel du corps électoral constitue le cœur de l'accord de Nouméa : de leur point de vue, il est inenvisageable d'y toucher sans traiter de l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. Au-delà des postures, toutefois, le dégel du corps électoral pour les personnes nées sur l'île et celles qui y résident depuis au moins dix ans est relativement admis par toutes les parties, à l'heure où ce corps se réduit et exclut toujours plus de natifs. Rappelons que la proportion des électeurs inscrits sur la liste électorale générale, mais privés de droit de vote pour les élections des assemblées de province et du Congrès, est passée de 7,46 % en 1999 à 19,28 % en 2023. Sur les 25 000 personnes concernées par le dégel, 14 000 sont natives de Nouvelle-Calédonie. Sans modification des règles, cet écart ne pourra que s'accentuer.

Le Conseil d'État a rappelé que le corps électoral spécifique résultant de l'accord de Nouméa dérogeait aux principes d'égalité et d'universalité du suffrage et qu'il devait être transitoire. Il estime ainsi que « les règles qui définissent aujourd'hui l'établissement du corps électoral de la liste spéciale pour l'élection du Congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie présentent un risque nouveau d'entrer en contradiction, d'une part avec les principes constitutionnels mentionnés […], d'autre part avec les engagements internationaux de la France […] ». Il nous faut donc avancer, sans laisser des combats partisans et politiciens propres à la métropole polluer des enjeux fondamentaux pour la démocratie calédonienne.

La recherche d'un consensus et d'une réforme institutionnelle profonde décidée par les Calédoniens doit être notre principal objectif. Veillons à ne pas replonger l'île dans une crise politique qui aggraverait la crise économique. Nous ne sommes pas à l'abri d'un boycott des élections par ceux qui voient le dégel du corps électoral comme un passage en force alors que nous voulons tous l'apaisement. Du point de vue technique, le dégel nécessitera que les communes participent à la modification des listes électorales. Mais qu'adviendra-t-il si certaines bloquent le processus ?

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C'est avec la plus grande inquiétude que le groupe Socialistes et apparentés aborde l'examen de ce projet de loi constitutionnelle, fruit de la seule volonté du Gouvernement. Nous arrivons au terme de la période prévue par l'accord de Nouméa : notre assemblée aurait pu y voir un rendez-vous avec l'histoire. Or nous nous apprêtons à examiner un texte qui rompt avec la pratique institutionnelle et avec les fragiles équilibres trouvés à l'occasion des accords de Matignon de 1988 et de l'accord de Nouméa de 1998, tous deux orchestrés par des Premiers ministres socialistes, Michel Rocard et Lionel Jospin.

La crise institutionnelle couve. La gestion des événements par le Gouvernement est loin d'atteindre l'objectif premier qui devrait être le nôtre : l'apaisement. Nous regrettons la méthode que vous avez choisie, par laquelle un texte précipite la modification du corps électoral au détriment d'un accord global entre les parties calédoniennes. Ce faisant, vous retirez de la balance du dialogue un des éléments clés. Surtout, cette réforme pourrait entraîner une modification de la Constitution avant tout accord.

Nous partageons l'analyse du Conseil d'État, selon laquelle l'accord de Nouméa « constitue, aux termes du point 5 de son préambule, une “solution négociée, de nature consensuelle”, qui a mis en place “l'organisation politique de la Nouvelle-Calédonie et les modalités de son émancipation” […] ».

En l'absence de négociation et de consensus, les conditions ne sont pas réunies pour modifier le corps électoral. Nous devons redoubler de vigilance pour que le processus de décolonisation soit abouti et complet ; il serait intolérable que le projet de loi constitutionnelle mette en cause ce processus et l'autodétermination. Aussi le texte doit-il être retiré. Le maintenir serait prendre le risque d'un embrasement généralisé – nombre des acteurs que nous avons auditionnés nous ont alertés à ce sujet.

Lors de l'examen du projet de loi organique portant report du renouvellement général des membres du Congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie, nous avons recommandé – en vain – de prendre tout le temps nécessaire et d'adopter le délai supplémentaire suggéré par le Conseil d'État en nous laissant la possibilité de réunir des élections jusqu'en novembre 2025. Je vous appelle à écouter les forces vives locales, monsieur le ministre. Comme l'ont écrit Lionel Jospin et Michel Rocard dans une tribune en 2008 : « Plus que jamais, il faut parler, diagnostiquer sans complaisance les injustices qui persistent et y porter remède, rechercher ce qui rassemble et discuter de ce qui divise. L'État, partenaire politique des accords, en charge de l'avenir de la Nouvelle-Calédonie, doit assurer une mission permanente de dialogue. »

Pour préparer l'avenir et réparer les blessures du passé, nulle précipitation n'est nécessaire. Les récentes manifestations, qui ont mobilisé près de 20 % du corps électoral, s'ajoutent à la crise du nickel. Les tensions politiques et économiques témoignent d'une réactivation de la bipolarisation – autant de signes que le texte divise plus qu'il ne rassemble. Les soupçons quant à la neutralité de l'État concernant le dégel du corps électoral prouvent que le texte va trop loin. La théorie des apparences doit l'emporter.

Je soutiens la proposition, formulée dans le rapport d'étape de la mission d'information sur l'avenir institutionnel des outre-mer, de créer une mission impartiale dans le but d'aboutir à un accord global. Cela suppose de suspendre la réforme constitutionnelle envisagée, pour retrouver le chemin du dialogue. Il est urgent de laisser le temps aux parties de construire une solution négociée, pacifique et durable. La prise en main du dossier par le ministère de l'Intérieur et des Outre-mer n'est pas propice à des négociations sereines – ce n'est pas vous que je critique, monsieur le ministre, mais le passage du niveau primo-ministériel au niveau ministériel. Nous devons avancer sereinement ; malheureusement, vous ne semblez pas en prendre le chemin.

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Le groupe Horizons et apparentés tient à rappeler son attachement à la Nouvelle-Calédonie et à l'obtention d'un consensus pour déterminer l'avenir politique et institutionnel de celle-ci. Le projet de loi constitutionnelle vise à encourager le dialogue et à trouver un terrain d'entente entre les parties prenantes de l'accord de Nouméa, afin d'assurer une paix sociale durable.

La Nouvelle-Calédonie ne compte pas moins de trois listes électorales : la première, pour les élections du Président de la République, des maires et des députés ; la deuxième, pour les élections provinciales ; la troisième, pour les consultations relatives à l'autodétermination. Les deux dernières sont restreintes aux habitants ayant une durée de résidence suffisante sur le territoire. En effet, depuis la révision constitutionnelle de 2007, seules les personnes inscrites sur les listes électorales au moment de l'accord de Nouméa, en 1998, ont le droit de voter aux élections provinciales. Cela a entraîné une situation paradoxale : les natifs de Nouvelle-Calédonie peuvent voter aux consultations référendaires, mais non aux élections provinciales – pas plus que leurs petits-enfants. L'évolution démographique est telle que les personnes exclues des élections provinciales représentent 19,3 % des électeurs – soit près d'un sur cinq –, contre 7,5 % en 1999.

Dans son avis du 7 décembre 2023, le Conseil d'État considère que les dispositions actuelles dérogent aux principes constitutionnels d'universalité et d'égalité du suffrage et qu'il convient de les modifier « afin d'en corriger le caractère excessif résultant de l'écoulement du temps ». Il est donc nécessaire d'instaurer un corps électoral provincial glissant.

Résolument attachés aux principes fondateurs de notre démocratie, les députés du groupe Horizons et apparentés estiment que le dégel partiel du corps électoral est nécessaire et qu'il doit s'inscrire dans la continuité de l'accord de Nouméa. La période de résidence de dix ans, retenue par le projet de loi constitutionnelle, nous semble équilibrée : elle correspond à la durée proposée au moment de la rédaction de cet accord fondateur.

Enfin, nous saluons le caractère subsidiaire du texte : il ne s'appliquera qu'en l'absence d'accord entre les parties concernant l'avenir institutionnel et politique de la Nouvelle-Calédonie.

Nous voterons donc le projet de loi constitutionnelle, et nous appelons de nos vœux la construction d'un accord respectueux de chacun, garantissant les principes de liberté, d'égalité et de fraternité.

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Le point 5 du document d'orientation de l'accord de Nouméa précise qu'après trois réponses négatives aux référendums, « les partenaires politiques se réuniront pour examiner la situation ainsi créée. Tant que les consultations n'auront pas abouti à la nouvelle organisation politique proposée, l'organisation politique mise en place par l'accord de 1998 restera en vigueur, à son dernier stade d'évolution, sans possibilité de retour en arrière, cette “irréversibilité” étant constitutionnellement garantie ». Dialogue et consensus, telle est l'essence des accords relatifs à la Nouvelle-Calédonie.

Votre projet de loi constitutionnelle renie l'esprit de ces accords. Le corps électoral constitue la base de la citoyenneté calédonienne et fait intégralement partie de l'organisation politique instaurée par l'accord de Nouméa. Les restrictions qui lui sont apportées constituent une garantie de paix civile. En mettant en cause de façon unilatérale l'irréversibilité constitutionnelle de l'organisation politique issue de l'accord de 1998, vous revenez fracturer le pays et réveiller les antagonismes. Votre méthode va à contre-courant de celle qui a été adoptée depuis les accords de Matignon de 1988. Que cherchez-vous, monsieur le ministre ? Pensez-vous que c'est par un passage en force qu'une solution pérenne et pacifique sera trouvée en Nouvelle-Calédonie ?

L'accord de Nouméa a consolidé la stabilité de l'archipel en établissant, dans son préambule, la nécessité de poser les bases d'une citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie permettant au peuple d'origine de constituer, avec les hommes et les femmes qui y vivent, une communauté humaine affirmant un destin commun.

Le premier alinéa du projet de loi constitutionnelle remet fondamentalement en cause la notion de communauté de destin prévue par l'accord de Nouméa. La création d'un corps électoral glissant menace un équilibre encore fragile, construit grâce à la bonne volonté de chacune des parties et garanti par la neutralité de l'État. En modifiant cet équilibre, vous provoquerez une minorisation irrémédiable du peuple kanak et des Calédoniens d'origine, du fait du poids croissant des nouveaux électeurs de passage – car vivre dans un territoire pendant dix ou quinze ans ne signifie pas obligatoirement vouloir y lier son destin. Il est courant que des personnes s'établissent dans nos pays pour un temps plus ou moins long, mais ne considèrent cet épisode que comme une parenthèse dans leur vie. En l'occurrence, elles ne souhaitent pas établir de communauté de destin en Nouvelle-Calédonie. Pourtant, si un corps électoral glissant était instauré, ces personnes de passage décideraient de l'avenir de l'île.

Le déséquilibre démographique qui s'ensuivrait est une des préoccupations de l'ONU, qui rappelle que, dans le contexte spécifique des territoires non autonomes, dont fait partie la Nouvelle-Calédonie, « [l]es puissances administrantes devraient veiller à ce que l'exercice du droit à l'autodétermination ne soit pas entravé par des modifications de la composition démographique dues à l'immigration ou au déplacement de populations dans les territoires qu'elles administrent ». L'avenir de Kanaky-Nouvelle-Calédonie doit emprunter le chemin du consensus, hérité de l'histoire. Une nouvelle organisation ne peut être instaurée que par la voie consensuelle, afin de définir plus précisément le périmètre de la citoyenneté calédonienne. Des propositions ont été faites à cette fin : l'ouverture du corps électoral aux natifs, ou encore la constitution d'une mission de médiation politiquement neutre, qui devra s'atteler à rétablir les conditions d'un vrai dialogue et l'impartialité de l'État.

Malheureusement, votre Gouvernement préfère une méthode à marche forcée qui renie l'esprit des accords pour la paix. Il est hypocrite : il dit vouloir dialoguer mais refuse d'en prendre le temps. Vous voulez obtenir un accord rapidement, sous la pression. Vous dites aux indépendantistes : « Signez, ou on passera par la loi constitutionnelle. » Il s'agit d'une attitude on ne peut plus coloniale, prétentieuse et risquée. En agissant de la sorte, vous ne résoudrez rien ; au contraire, vous recréerez les conditions du chaos. Vous devrez en assumer la responsabilité.

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Vingt-six ans après l'accord de Nouméa, la Nouvelle-Calédonie se trouve dans une situation très instable, tant sur le plan politique qu'économique.

Ce problème politique, fruit d'une histoire particulière – coloniale, conflictuelle, puis apaisée – entre l'île et la République, est complexe. Il impose de faire preuve d'humilité, tout autant que de détermination collective. Les députés du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires n'ont aucune intention de mettre de l'huile sur le feu. Cela ne nous empêchera pas d'affirmer les principes et la vision qui nous animent, afin de contribuer, bien modestement, au cheminement vers la paix et vers une solution politique partagée.

Le projet de loi constitutionnelle qui nous est soumis est un rendez-vous manqué. L'absence d'accord politique nous conduit en effet à discuter d'une révision constitutionnelle qui n'est ni consensuelle, ni soutenue majoritairement dans l'île. Ce n'est pas ainsi que nous dessinerons un destin commun pour la Nouvelle-Calédonie tel que le souhaitaient les rédacteurs de l'accord de Nouméa. Les risques de statu quo sont réels et le renoncement ne saurait être une solution. Aussi notre groupe espère-t-il ardemment la poursuite du dialogue et des négociations.

Ce projet de loi contient un mécanisme de caducité au cas où un accord serait trouvé après son adoption. Doit-on y voir une porte ouverte ou un ultimatum ? Selon leur camp, les acteurs interprètent différemment cette question à haut risque. Nous regrettons qu'ait été choisie une méthode à marche forcée en dépit de fortes réserves – exprimées en particulier par le FLNKS, qui rejette le texte. Le dialogue ne semble pas mûr ; les positions des loyalistes et des indépendantistes semblent encore trop tranchées et éloignées ; le destin commun n'est pas défini. Aussi ce projet de loi arrive-t-il beaucoup trop tôt. Notre groupe estime qu'il faut prendre le temps nécessaire au dialogue plutôt que de légiférer sans accord politique préalable.

Si nous reconnaissons qu'il est nécessaire de modifier le corps électoral pour tenir compte de l'évolution démographique, il reste à résoudre une question sensible : les modalités d'application d'un dégel permettant à de nouveaux électeurs de participer aux élections provinciales. Le critère des dix ans de résidence retenu par le projet de loi suscite encore trop de réticences, bien que des espaces de compromis semblent exister. Le fait même de dissocier la question du corps électoral d'un accord plus global pose problème.

Au fond, ce projet de loi constitutionnelle constitue une solution subsidiaire, que personne ne peut raisonnablement considérer comme une résolution définitive et apaisée du blocage actuel. Nous réitérons notre appel à un accord global entre l'ensemble des parties signataires de l'accord de Nouméa, dans le but de rassembler, de tracer un destin favorable, d'assurer la stabilité institutionnelle de la Nouvelle Calédonie et de contribuer à son émancipation. Monsieur le ministre, quel est l'état des discussions entre les acteurs ? Il est important que l'Assemblée nationale en soit informée pour délibérer de manière éclairée, en son âme et conscience.

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De façon inquiétante, les discours sur la Nouvelle-Calédonie semblent oublier les épisodes tragiques que l'île a connus. Le Gouvernement pense pouvoir légiférer sur ce territoire en passant en force, comme il en a pris l'habitude dans de nombreux domaines. Cette méthode brutale, qui refuse la recherche d'un consensus, est dangereuse. Vous donnez l'illusion du dialogue pour transposer un modèle colonial.

Je tiens à rappeler que l'ONU a classé la Nouvelle-Calédonie parmi les territoires à décoloniser et que votre projet de loi constitutionnelle touche à des considérations de droit international qui appellent à la plus grande prudence. Le Gouvernement ne peut agir en Nouvelle-Calédonie en faisant fi des événements historiques récents et de l'extrême violence dans laquelle le territoire fut plongé dans les années 1980. On oublie trop souvent que les insurrections et les guerres civiles sont le fruit de basculements ténus. Comme disait Romain Gary : « La vérité, c'est qu'il y a une quantité incroyable de gouttes qui ne font pas déborder le vase. » Il est impossible de savoir quelle goutte d'eau provoquera le débordement. Et si cette goutte, c'était une réforme du corps électoral imposée par le Gouvernement alors même que des négociations sont en cours ?

La Nouvelle-Calédonie a connu plusieurs séquences insurrectionnelles au cours de son histoire, dont l'épisode tragique de la grotte d'Ouvéa qui a causé la mort de dix-neuf Kanaks et de deux militaires. De cet événement est resté un serment, voulu par Michel Rocard : les responsables politiques ne devraient plus jamais mêler la Nouvelle-Calédonie à la politique nationale. Pourtant, vous avez organisé le troisième référendum d'autodétermination à quelques mois des élections présidentielle et législatives, malgré un boycott massif.

Le présent projet de loi constitutionnelle témoigne que vous n'avez rien appris d'Ouvéa ni du boycott des indépendantistes. Le consensus n'est pas une des options possibles ; il est l'unique chemin sur lequel le Gouvernement doit s'engager, aussi long et sinueux soit-il. Telle doit être notre boussole politique. Le 23 mars dernier, le FLNKS, réuni en congrès, a voté une motion de politique générale qui « condamne la méthode de passage en force du Gouvernement français » et « exige le retrait définitif du projet de loi constitutionnelle ». Il y réaffirme « l'illégitimité de la troisième consultation du 12 décembre 2021 en raison de la non-participation du peuple kanak ».

Les députés du groupe Écologiste défendront toujours le temps long de la discussion et du compromis, plutôt que les délais contraints qui permettent de balayer les contestations d'un revers de main. Nous défendrons toujours le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et le principe d'autodétermination. C'est pourquoi nous voterons contre le projet de loi constitutionnelle.

Que pensez-vous qu'il se passera, monsieur le ministre, quand le Gouvernement aura fait voter la réforme du corps électoral, effaçant toute possibilité d'accord tripartite ? En l'absence de consensus, quelle sera la prochaine étape, alors que la Nouvelle-Calédonie connaît des mobilisations colossales ? Sachez entendre ces questions empreintes d'une grande inquiétude.

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Gérald Darmanin, ministre

Madame Luquet, je ne doute pas que la majorité des maires indépendantistes sont des républicains et des démocrates ; ils appliquent la loi, comme à l'occasion du troisième référendum, que les indépendantistes voulaient boycotter mais auquel les maires de cette famille politique ont prêté leur concours en ouvrant les bureaux de vote et en assurant le bon déroulé de la consultation, jouant ainsi leur rôle d'agent de l'État. Si un boycott s'organisait contre l'élaboration des listes électorales, le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie pourrait désigner une délégation spéciale ayant pour mission de remplacer les maires, ceux-ci s'exposant à des poursuites de l'autorité judiciaire, compétente en matière d'état civil.

Monsieur Castor, vous avez affirmé que vivre dix ou quinze ans dans un territoire ne donnait pas forcément le droit de participer à la vie politique de celui-ci et aux élections locales, mais vous appartenez à un groupe politique qui défend le droit de vote des étrangers aux élections municipales : si je vous suis bien, un étranger résidant depuis deux ou trois ans à Tourcoing ou à Paris pourrait voter aux élections municipales, mais un citoyen français de Nouvelle-Calédonie n'aurait pas le droit de voter aux élections locales. Votre argument, spécieux, manque de pertinence mais pas d'idéologie ; votre position s'oppose à l'intérêt général, lequel commande à chaque citoyen français de participer à la vie locale.

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On pourrait faire le même raisonnement dans l'autre sens !

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Gérald Darmanin, ministre

Non, car je parle des citoyens français. Je soutiens le vote des nationaux à toutes les élections et je suis opposé à l'inscription des étrangers sur les listes électorales municipales.

Vous avez parlé de proportion de personnes autochtones ; pour ma part, je me refuse à toute essentialisation et je n'aborde pas la question du droit de vote aux élections locales sous l'angle de la couleur de peau ou de l'origine ethnique. Monsieur Ghomi, je vous remercie d'avoir souligné le fait que de nombreux Kanaks étaient opposés à l'indépendance quand de nombreux Caldoches, ou Blancs, ou Européens soutiennent cette dernière.

Monsieur Acquaviva, vous pensez nécessaire l'obtention d'un consensus général sur les questions institutionnelles. Je m'étonne de cette position, contraire à celle que vous avez défendue lors du débat sur l'évolution du cadre constitutionnel corse. En effet, les représentants du camp nationaliste, auquel vous appartenez, n'ont cessé de m'expliquer qu'il fallait se plier au fait politique majoritaire en Corse ; or, en Nouvelle-Calédonie, les trois référendums ont repoussé la perspective de l'indépendance et ont validé le maintien du territoire calédonien dans la République française, fait majoritaire renforcé par l'élection de deux députés, MM. Dunoyer et Metzdorf, opposés à l'indépendance. Pourquoi ne devrions-nous pas nous plier à ce fait majoritaire ? Il n'y a pas de consensus total en Nouvelle-Calédonie, non plus qu'en Corse ; pourtant, le Gouvernement s'est rangé derrière M. Gilles Simeoni lorsque celui-ci a refusé qu'une minorité décide de l'avenir institutionnel de la Corse. Pourquoi en irait-il différemment en Nouvelle-Calédonie ?

Vous voulez, comme Mme Regol, prendre du temps ; nous sommes d'accord avec cette demande, mais aucun de vous ne propose une solution au problème auquel nous sommes confrontés. En cas d'absence d'accord, jusqu'à quand devons-nous repousser les élections ? Les Néo-Calédoniens pourront-ils un jour participer à des scrutins locaux ? Si des élections sont organisées, sur quelle base convoquons-nous les électeurs ? Le Conseil d'État a affirmé qu'il n'était pas possible d'organiser des élections sur le fondement des listes électorales actuelles, monsieur Delaporte.

Vous avez évoqué Ouvéa, madame Regol ; laissez-moi vous dire que je trouve le parallèle pour le moins excessif. Les indépendantistes ont proposé que le corps électoral soit constitué des personnes nées en Nouvelle-Calédonie ou qui y résident depuis au moins dix ans et leurs représentants Roch Wamytan et Victor Tutugoro ont signé un protocole d'accord, que je vous ai transmis par le biais du groupe de contact ; nous sommes donc très loin du drame d'Ouvéa, au cours duquel des personnes ont perdu la vie. Que feriez-vous à notre place ? Organiseriez-vous des élections que vous savez illégales ? Prolongeriez-vous éternellement les mandats des élus provinciaux et du Congrès ? C'est peut-être la fonction de l'opposition de critiquer le Gouvernement sans rien proposer de concret ; néanmoins, ma responsabilité est de tenter de trouver la voie du consensus et du compromis – encore faut-il être au moins deux autour de la table. Le rapporteur a justement rappelé les efforts consentis par le Président de la République et le Gouvernement, qui ont pris des positions contraires à celles de leurs alliés électoraux sur place.

Monsieur Gosselin, j'ignore ce qu'est une mission impartiale. Je ne vois aucun inconvénient à ce que le président du Sénat s'intéresse à ce dossier et souhaite y jouer un rôle, mais il a défendu le maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la République française, donc en quoi serait-il impartial ? Si de nouvelles personnes souhaitaient apporter leur pierre à l'édifice calédonien, je soutiendrais leur démarche, mais il me semble que l'État joue déjà le rôle de l'acteur impartial, puisqu'il a réuni autour de lui, quelles que soient les majorités, les parties prenantes. L'objectif est la paix publique, le retour de la démocratie et le développement économique et social de la Nouvelle-Calédonie, car tel est l'intérêt général de ce territoire et de la France.

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Monsieur Le Gall, votre interrogation est juste. Vous dites que deux principes universels sont en jeu dans le dossier calédonien, à savoir la démocratie et la décolonisation. Ce dernier terme n'est pas un synonyme d'indépendance, car l'ONU définit quatre voies possibles pour sortir de la colonisation : l'indépendance, l'intégration totale à l'ancienne puissance administrant le territoire, la libre association ou tout statut négocié entre les citoyens de l'ancienne colonie et l'ancienne métropole. Avec les trois référendums et l'accord de Nouméa, la question de la décolonisation a été traitée. L'autonomie de la Nouvelle-Calédonie est très large et les indépendantistes sont surreprésentés dans les cinq institutions locales, puisqu'ils en contrôlent quatre ; le corps électoral est restreint et a même été gelé pour les trois référendums. Peut-on concevoir processus de décolonisation plus achevé ? Dans ce contexte, les non-indépendantistes ont demandé le retrait de la Nouvelle-Calédonie de la liste onusienne des territoires à décoloniser.

La question de la décolonisation a été traitée, mais pas celle de la démocratie puisque le corps électoral reste gelé. L'objectif du projet de loi constitutionnelle est de résoudre cette deuxième question. Plusieurs intervenants ont regretté que le Gouvernement précipite le dégel du corps électoral, alors que les discussions ont duré trois ans et que l'article 2 du texte prévoit du temps supplémentaire pour parvenir à un accord global. La Nouvelle-Calédonie connaît une crise économique : 20 000 personnes, soit 10 % de la population, ont quitté le territoire, dont les caisses sont vides. L'incertitude institutionnelle joue un grand rôle dans cette situation. Nous devons donc accélérer, car les gens ont besoin de visibilité. Vous êtes nombreux à craindre que le projet de loi mette en péril la paix et crée des tensions, mais, pour ma part, je constate une invisibilisation des loyalistes. D'ailleurs, pensez-vous que ces derniers se précipiteraient à la table des négociations si le Gouvernement retirait le texte – par exemple si la clause des dix ans glissants, issue de l'équilibre des accords de Nouméa, était remplacée, sur le fondement de l'article 2, par une durée de vingt ou de vingt-cinq ans glissants ?

N'invisibilisez pas les loyalistes ! Le texte reflète les demandes des indépendantistes, mais, dans le dossier calédonien, il n'y a pas que l'État et les indépendantistes : des gens ont refusé l'indépendance lors des référendums et ils tiennent à être écoutés et entendus. Le Gouvernement ne pouvait pas présenter de texte plus équilibré ; j'en suis le rapporteur alors que je suis presque en désaccord avec le fond de ses dispositions. J'ai l'impression que vous défendez la nécessité de trouver un consensus pour faire avancer la revendication indépendantiste. Si les Calédoniens avaient approuvé l'indépendance lors des référendums, auriez-vous défendu la voix loyaliste et l'importance du consensus ? J'en doute.

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Vous avez été plusieurs à mentionner l'annexe aux propositions du FLNKS, qui date du 4 juin 2023 et qui fait mention du dégel du corps électoral à dix ans. Ce document a été transmis au groupe de contact et à la commission des lois du Sénat et il vous sera envoyé à l'issue de cette réunion afin que vous disposiez du niveau d'information nécessaire au bon examen des amendements la semaine prochaine.

La séance est levée à dix-huit heures cinquante-cinq.

Membres présents ou excusés

Présents. – M. Jean-Félix Acquaviva, M. Jean-Victor Castor, M. Philippe Gosselin, M. Sacha Houlié, Mme Emeline K/Bidi, M. Gilles Le Gendre, Mme Aude Luquet, M. Nicolas Metzdorf, M. Didier Paris, M. Stéphane Rambaud, Mme Sandra Regol, M. Guillaume Vuilletet

Excusés. - M. Éric Ciotti, M. Philippe Dunoyer, Mme Élodie Jacquier-Laforge, M. Mansour Kamardine, Mme Marietta Karamanli, M. Didier Lemaire, M. Sylvain Maillard, Mme Laure Miller, Mme Naïma Moutchou, Mme Danièle Obono, Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, M. Philippe Pradal, M. Rémy Rebeyrotte, M. Jean Terlier, Mme Cécile Untermaier

Assistaient également à la réunion. - M. Arthur Delaporte, Mme Félicie Gérard, M. Hadrien Ghomi, M. Arnaud Le Gall